A la Une!

A la Une!

Jérôme Bergami, 11 Sep, 2014

A la unehttp://www.xronos.gr/detail.php?ID=94211 
L’article vient de paraitre. Il se savoure tout frais dans le quotidien de Komotini, le « Kronos Komotini », photo couleur en première page. La Terre en Marche s’invite dans la presse du pays. Nous avons rencontré la jeune journaliste Anna Martidou à Iasmos, à la caisse d’un supermarché. Apprenant que nous étions en route pour deux ans, destination Chine, elle a voulu en savoir plus, dans l'idée d’écrire un papier sur notre aventure. Nous nous sommes retrouvés un plus tard dans le jardin public ou nous campions et ce matin, nous étions dans les kiosques, à ce point ravis que nous avons acheté trois exemplaires du journal, un pour nous, les deux autres pour la famille.
Comme les emmerdes, les bonnes nouvelles tombent en série. En milieu d’aprés-midi, arrivés au village de Roditis, un 4x4 nous klaxonne, nous dépasse, s’arrête le long du trottoir. Une femme descend du véhicule, un journal à la main, un appareil photo en bandoulière. « Je suis la directrice du « Kronos Komotini », se présente-t-elle. J’ai découvert l’article vous concernant ce matin, et là je tombe sur vous par hasard. Je voudrais vous prendre en photo avec le journal. » Va pour la photo. Mais je lui demande :
- Est-ce que vous connaissez des journalistes en Turquie ? Nous voudrions faire parler de notre projet là-bas. Ce serait intéressant.
- Vous passez par Istanbul ?
- C’est notre itinéraire.
Elle consulte le répertoire de son téléphone.- Vous pouvez appeler ces trois journalistes de ma part, ce sont des amis. Elle nous tend sa carte de visite. "Et si vous avez un souci, vous m’appelez. Bon courage et bonne route!"
Un fil, ou plutôt deux, nous ont été tendus à travers ces deux rencontres inopinées, Il ne tient plus qu’a nous de savoir les dérouler. Jusqu’où peuvent-ils nous mener ? Mystère. Ayons simplement confiance, étant sur un beau chemin de vie, la Terre à nos côtés.

11 septembre. Jour d’orage à Polyathos.
Les rues du village se gorgent d’eau, des ruisseaux se forment au milieu des chaussées. Nous échappons de peu à la débâcle météorologique en nous refugiant sous l’auvent de la terrasse d’un café, vis-à-vis de la mosquée. Le local est fermé. Pas un chat alentour. Par moments de furieuses bourrasques rabattent la pluie sur nous. Nous avons enfilé au plus vite nos k-ways et enveloppé nos sacs dans leur toile de protection.
Vient enfin l’accalmie, et avec elle deux drôles de zigotos surgis de nulle part, un jeune type et un plus vieux. Celui-ci porte un costume bleu marine défraichi et une paire de pompes noires éculées, l’autre, par-dessus un regard torve, est affublé d’un couvre-chef molletonné hésitant entre le bob de plage et le tricorne. J’ai sorti mon réchaud, je prépare du café. « Ceux-là, ils ne vont pas nous lâcher », me dis-je en-dedans. Gagné! Le plus vieux monte les quelques marches de la terrasse, s’avance, jambes arquées, frétillant comme un criquet dans un champ de lavande. Parmi les mots qu’il jette d’une voix rauque, je comprends : « Café, lego(un peu de café) ? » Après le café, ce sera la clope, je ne peux m’empêcher de penser. Il m’agace, doit le sentir alors il en rajoute – « Bulgare! Bulgaria!”, éructe-t-il en pointant les montagnes. Le jeune ne dit mot, il biaise et rit sous cape des âneries que son compère nous raconte. Sabina me voyant tendu prend le relais avec beaucoup de tact, de métier pourrait-on dire, car elle connait bien le comportement des gitans. « Moi, je suis Roumaine, monsieur », lance-t-elle au vieux en lui tendant la main. Et instantanément une espèce de lien Est-européen balkanique se crée. « Tenez, prenez un peu de café. » Le Bulgare se montre ravi, il s’agite, gaillard dans son deux pièces trois fois trop grand – “Roumania, Bulgaria!” répète-t-il en frottant ces deux index l’un contre l’autre. Puis il sort de son portefeuille une liasse de vieux billets de l’ancienne Yougoslavie qu’il défroisse avec fierté sous notre nez. Au même moment le jeune s’en revient de la fontaine où il a trouvé une paire de lunettes de soleil. Avec son bob sur la tête, Il y a du Monsieur Hulot sous les orages de Macédoine.
Les deux types s’assoient. Sabina leur offre maintenant une poignée de cacahuètes grillées. Le vieux biche, savoure son jus, fume la clope qu’il m’a taxé. Puis il part à la fontaine et rince sa tasse, qu’il remet a Sabina en prononçant bien distinctement un : « Phkaristo poli » (merci beaucoup).