Caspienne

Caspienne

Jérôme Bergami, 30 août, 2015

Caspienne, nous te devinons
à la moiteur tropicale de ta crinière d’arbres qui, dans une gerbe luxuriante, descend l’encôlure de la montagne;
au lointain un peu vague que nos yeux las scrutent éperdument.
Nous t’approchons, Caspienne, et notre peau dégorge du sel doré de tes eaux closes.
Nous avons marché bien longtemps, depuis d’autres plages :
Entre Ancona et Dürres, l’Adriatique scintillait, boule de cristal entre les mains d’une diseuse de bonne aventure ; la mer Egée couvait ses perles de fin d’été dans les baies assoupies de l’antique Thessalonique; Marmara! Marmara langoureuse, couverte de baiser aux deux détroits, chuchotait par l’un d’eux mille histoires de voyageurs à la mer Noire, sa voisine (noire mais claire comme de la glace lorsque nous la prîmes au Coeur de l’hiver, depuis la Colchide).  
Caspienne, mer des plaines azéries, mer des steppes turkmènes, mer des massifs de Perse, te voici qui te découvre.
Nous apprendrons à te sentir, tu apprendras à nous connaître - plusieurs centaines de kilomètres, ô la longue et belle entrevue.  

Il n’y a qu’aux mers de Bretagne que j’ai pu donner autant.
Je me demande si ces dernières m’ont déjà oublié,
ces rebelles, ces fougueuses aux raz des caps du pays de Sizun; ces indolentes aux criques enjôleuses des vergers de Fouesnant; ces riantes aux replies des abers, dans les journées jaune et mauve du printemps.
Mers bretonnes, vous à qui je me suis déclamé, vous qui m’avez adopté, banlieusard ratatiné de béton puant la Francilienne et le supermarché Mammouth;
Mers, masses délirantes acharnées à briser les falaises d’Ouessant comme les phares d’orgueils élevés de mains d’hommes,
j’ai chanté, j’ai pleuré, j’ai rêvé, connu de doux aurores et des couchants envoûtants au près de vous.  
Caspienne, tu ne rougiras pas quand dés demain je déposerai sur ton front un premier pas.