Tradition fourreur

Jérôme Bergami, 30 Iul, 2014

Du haut de la montagne, s’étalent le lac et la petite ville de Kastoria lovée contre l'épaulement d’une presqu'ile. Kastoria est riche de l'animal dont elle tire son nom, le « castor ». Pete fait dans la fourrure, comme le faisait son père et son grand-père avant lui. Etre fourreur à Kastoria n'a en somme rien d'exceptionnel. Cela tient de la tradition. En ville pléthore de vitrines exposent la peau du rongeur vedette, ainsi que d’autres telles renards ou lapins.
Kastoria est également célèbre pour ses dizaines d'églises byzantines disséminées sur la colline. Elles ont été bâties par des chrétiens de Constantinople envoyés en ces lieux en exil par les conquérants ottomans suite à la chute de l'Empire d'Orient en 1453.

Avant-hier, Vatohori, panique, rien à manger! Par bonheur, un habitant compatit et nous rapporte un sac plastique rempli comme une pochette surprise. Nous y trouvons deux boites de pâte, trois énormes tomates, de la feta, des tranches de pain. Hier, Kastoria, panique, où dormir? Il est passé vingt heures, nous nous trouvons aux abords de la ville, des abords en pleine mutation : résidences tout confort, pavillons m’as-tu-vu, hôtels standing sortent de terre – sans oublier l'église massive qui accompagne ce jaillissement neuf. A force de tourner, nous finissons par trouver le bout de terrain a l'herbe clémente. Il est attenant à la maison de Zhon, l'oncle de Pete, en compagnie desquels nous passons la soirée, un verre de Tsipuro à la main. Pete est un gaillard de plus de deux mètres qui, lorsqu'il vous parle se poste à la lisière de votre espace intime, vous palpant l'avant-bras et la nuque en signe d'affection: des gestes amicaux de palpation que j'ai bien connus autrefois en Egypte, et que l’on retrouve à divers degrés dans l’ensemble du bassin méditerranéen.
Sabina et moi comprenons que La Terre en Marche ne se réduit pas aux cérémonies de partage de la Terre que nous voulons organiser dans chaque pays traversé. La Terre en Marche vit aussi et surtout de ces rencontres inattendues, de ces moments de vulnérabilité comblés par le cœur de chacun; elle vit aussi de l'écho que produit l'exposé de notre action dans l'esprit de ceux que nous croisons sur notre chemin.