A l'honneur des Grecs !

A l'honneur des Grecs !

Jérôme Bergami, 26 Aug, 2014

Sabina attire mon attention sur la psychologie des Grecs que nous rencontrons : ils ne se livrent pas vraiment. Aucune hostilité mais une retenue qui ressemblerait à de la fierté blessée. Des Grecs tournés sombrement vers leur passe prestigieux parce complexés par leur présent moribond? Et peut-être lassés, blasés de n’être plus que le déversoir des congés payes du reste de l’Europe. Tout le monde part en Grèce goûter au soleil et a la mer, mais qui connait les Grecs? Il y aurait alors dans cette distance l’expression rancœur: la rancœur d’un peuple que la déconsidération des autres a blessé au plus profond. Quelque part le Grec est honteux de n’être plus à la hauteur de ce qu’il pouvait s’enorgueillir d’être jadis.
Dans ce tableau, Yanice fait presque exception. Il est le patron du mini-camping de Vrasna. Un type bodybuldé, corps et cœur : il nous offre la gratuité des trois nuits que nous passons sur son terrain –. Et avant notre départ il nous apporte une bouteille de son huile d’olive maison ainsi qu’une autre de son tsipuro. « Vous avez une longue route devant vous. Vous aurez besoin de tout votre argent pour aller au bout de votre rêve », nous dit-il simplement. Rien de forcé dans son geste. Une générosité naturelle.
Je me souviens qu’à Polimilos, boisson et repas nous avaient un soir été offerts, à nous ainsi qu’à un autre couple de Français. Mais la personne disait alors : « Le Grec paye sans rien n’attendre en retour (le couple insistait pour payer sa tournée). Il peut payer tant que l’autre n’est pas rassasié. C’est comme ça chez nous. » Et ses yeux formaient deux fentes inquisitrices qui, d’un mouvement régulier de la tête, balayaient notre petite assemblée.
Mais pour en revenir à Yanice : contrairement à beaucoup de ses compatriotes, lui ne s’est jamais expatrié pour travailler. C’est un enfant de la région, il aime son littoral où il a su construire sa vie. Le camping fermera l’année prochaine – il n’est plus aux normes - mais il saura rebondir, il louera les maisons et les appartements qu’il a retapés – il nous montre ses paumes calleuses. « Du travail, j’en ai ici. Je n’ai ni besoin ni envie d’aller le chercher à l’étranger. »