L'homme aux semelles de vent

L'homme aux semelles de vent

Jérôme Bergami, 12 avril, 2015

Rimbaud a boucle son encrier, il venait d'avor vingt ans.
Le silence serait désormais son poème. Pourquoi ce retrait du verbe ? cette désertion du mot ? Quelle lassitude, pour ne pas dire quelle dégoût, a pu lui inspirer le vers ? Et qu'en est-il de ce courage qu'il faut poséder à cet âge pour accepter l'idée de n'avoir plus rien de valable à coucher ? Mais etait-ce son cas ? Y a-t-il un âge pour être tari ? A vingt ans peut-on vouloir se taire ?
Doit-on se taire à vingt ans?
Les mots lui étaient-ils devenus entrave, prison? corset metal empêchant le corps, c'est à dire les sensations nues, d'exister? Arthur s'est exprimé sur le plan poétique avec la fièvre révolutionnaire de l'adolescence - encore que celle-ci fut d'une maturité exemplaire. Merveilleuse fulgurance. Jaillissement fantastique. L'entrée dans l'âge adulte fut les scellées apposées sur sa bouche, puisqu'il est entendu que le poème est parole et que la parole est transmision. Il ne nous revient pas de juger l'aventure abyssinienne de petits trafics de boutiquiers pour laquelle le poète a remisé son don au fond de son paletot. Il désirait cette aventure, il aspirait physiquement aux "semelles de vent". Que cette échappée ne lui ait pas apporté la liberté qu'il en escomptait, ses carnets de comptes griffonnés, sa gangrène, son retour à Marseille, son amputation, sa mort à Charleville en témoignent suffisamment. J'évoque la liberté mais sans savoir au fond ce qu'il se tramait dans le coeur intime du personnage : peut-être de liberté, n'en a-t-il pas été question un instant ? Prosaïquement, Rimbaud cherchait à s'enrichir, Rimbaud quêtait son nouvel absolu : fortune. tout grand poète qu'il était, il n'en était pas moins homme d'argent. Homme à esprit de gains. Il aurait joué son don poétique comme on joue au jeu, avec insolence, dédain, puis lassé, ou ruiné, il s'en serait allé.Qui prétendrait savoir ?

Pour ma part, à quarante ans, marcher : voici le poème.