Vérification !

Vérification !

Jérôme Bergami, 11 juin, 2015

On en rencontre rarement fort heureusement
des comme ça, que la crainte rend hargneux. Je veux parler des maires de villages, les « muhtar » comme on les appelle ici, et auxquels on demande à s’adresser systématiquement par souci du respect de la hiérarchie. Celui-là, il sortait des gogues. On était plantés au milieu de sa cour.- Olmaz (impossible) ! il a dit tout de suite, sans s’essuyer les mains. Y’a pas de chambre, y’a pas d’abri. Y’a rien pour vous, ici.Devant nos mines penaudes, il s’est ravisé.- Attendez… Il a pianoté sur son portable. Attendez cinq minutes… Misafir (invités), il a sifflé entre ses dents.C’est long, cinq minutes, cernés de villageois qui vous dévisagent.
« Tu vois, cet homme a du cœur, tout de même. » Je ne sais plus qui de moi ou de ma femme a proféré cette naïve assertion.Cinq minutes plus tard, c’est un blindé de la gendarmerie qui s’avançait dans la rue boueuse du patelin. Le chef est sorti du véhicule en jouant du menton.
- Qu’est-ce que vous faites ici ?... Passeport !
Fallait montrer qui est l’autorité devant les gamins.Dans sa cour, le muhtar se frottait les mains.

Un petit muhtar
Sec et furibard
Qui en guise d’hospitalité
Nous appelle un blindé
« Gendarmes, à la rescousse !
Y’a deux touristes et j’ai la frousse...
Passeports ! Vérification !
Foutez-moi ça dans votre camion !
J’aime pas qu’on pollue mon décor!
Une nuit à l’œil, et quoi encore ?
Le grand, l’a pas l’air fin
Et la p’tite, elle a l’air nouille.
Deux emmerdeurs, ces deux machins,
Mais j’vous assure qu’ils m’foutent la trouille…
Bouclez-les en garnison !
Bien au chaud pour la saison.
Qu’ils viennent plus pleurer : « misafir »*...
Turquie ! ils vont apprendre c’que ça veut dire… »


*Hôtes, invités